Un homme en marche !

M O S H E    F E L D E N K R A I S (1904-1984)

La vie de Moshé Feldenkrais répond aux promesses de sa Méthode : une belle œuvre aux facettes multiples, celle d’un homme qui a développé ses potentialités… dans un contexte qui n’était pourtant pas, au départ, des plus faciles !
Né dans l’actuelle Ukraine, en 1904, dans une communauté hassidique qui fait régulièrement l’objet de pogroms, Moshé Feldenkrais quitte son milieu de naissance pour la Palestine (qui deviendra 20 ans plus tard, L’État d’ Israël), qu’il rejoint à pied, à l’âge de 14 ans. Moshé Feldenkrais a baigné dans cet enseignement fait de questionnements maïeutiques où l’enseignant spirituel ne vous donne pas de réponse mais vous apprend à la trouver en vous-même, mais aussi de pratiques corporelles destinées à susciter la joie, comme la danse, le chant, la célébration… cela qu’est le hassidisme originel. Issu d’une lignée de rabbins, de ce monde où la femme n’était pas autorisée à toucher le livre saint, Moshé Feldenkrais a semble-t-il, déposé son héritage religieux avant de quitter l’Ukraine, s’étant toujours positionné en dehors du champ religieux. Esprit fondamentalement moderne, ouvert à toutes les explorations de son temps, qu’elles soient scientifiques, psychologiques, corporelles…, il est, avec d’autres, l’un de ces visionnaires qui ont posé, dans le courant du XXème siècle, les fondements d’une vision holistique et incarnée,  de l’ être humain.

Sur quels chemins ?

La Palestine. Feldenkrais y œuvre plusieurs années, d’abord comme ouvrier, puis comme géomètre. Il a repris des études, travaille comme percepteur auprès d’étudiants en difficultés en lesquels, déjà, il apprend à défaire les blocages sans aller contre les résistances. Une stratégie présente également dans le Jiu-Jitsu, cet art d’auto-défense qu’il pratique assidûment, et dont il fait le sujet d’un premier livre, Jiu-Jitsu, Manuel d’Autodéfense, en 1929. Son intérêt le porte aussi vers l’hypnose, le yoga, ou le football, où il va se faire une première blessure importante au genou.

 

L’Europe. La bourse qu’il décroche lui permet de rejoindre la Sorbonne, à Paris, en 1928 ; il étudie la physique, les mathématiques, la mécanique et l’électricité. Il obtient un diplôme de docteur en sciences physiques et un autre d’ingénieur en mécanique et en électricité. En 1938, il travaille avec Frédéric Joliot-Curie (prix Nobel de Chimie en 1935), dont il est le principal assistant.
Il demeure pour autant passionné de jiu jitsu. Après sa rencontre avec Jigoro Kano venu présenter pour la première fois le Judo à Paris, il devient son ami, et plus tard, l’une des premières ceintures noires en France. Feldenkrais co-fonde le premier Judo club de France.

 

 

 

 

La Grande-Bretagne. L’invasion de la France par l’Allemagne nazie le pousse à se réfugier en Grande-Bretagne en 1940, où il rejoint l’Amirauté Britannique. Il fait partie de l’équipe qui met au point le sonar utilisé pour détecter des sous-marins. C’est à cette période qu’il se blesse très sérieusement cette fois, au football, au point de se voir proposer une intervention à son genou blessé, dont les chances de succès sont de 50%. Feldenkrais refuse. Il se plonge alors dans tout ce qui touche à la santé et à la guérison : anatomie, mécanique, physiologie, neurophysiologie, psychothérapie, exercices de rééducation, pratiques spirituelles, yoga, hypnose, acupuncture. Son intérêt pour le développement humain l’amène à étudier de près le mode d’apprentissage de l’être humain au début de la vie. Il rencontre Matthias Alexander, qui fut le premier à montrer que la posture du corps n’était pas fixe mais pouvait être améliorée en permanence par un ensemble de pratiques spécifiques. Se met à l’école de Gurdieff qui transmit combien le développement personnel était un processus à vie de changements continuels et d’amélioration de la prise de conscience de soi, tant au niveau du corps qu’au niveau de l’esprit.
Redécouvrant et affinant le processus d’apprentissage à l’oeuvre chez les jeunes enfants pour acquérir la marche, il découvre que prendre conscience de comment l’on bouge peut être une clé pour améliorer le confort et l’efficacité de nos façons d’agir et bouger… et s’autoguérit.
Fort de toutes ces expériences, de ce mélange de connaissance et d’intuition qui caractérise les chercheurs, Feldenkrais commence à développer sa propre méthode, fondée sur le micro-mouvement et l’observation minutieuse des changements, en relation avec le rôle du cerveau, de la fonction, dans l’organisation de nos mouvements. D’abord, par le simple toucher, puis, par le guidage verbal.
Car à Londres, il a repris sa pratique du Judo, et développe des leçons de mouvements avec cette attention accrue aux limitations de ses élèves, dont il perçoit, à partir de son propre modèle, les liens entre personnalités, schémas corporels, désordres psychologiques, et anxiété. Ayant compris que l’activité motrice est au centre de toute l’activité humaine et que des habitudes apprises à cet égard sont la racine et l’origine d’instabilités émotionnelles et de désordres comportementaux, Feldenkrais suggère que la rééducation des habitudes musculaires et de posture, est la seule manière rigoureuse d’améliorer l’organisme psychophysiologique tout entier.

 

Israël. Il y revient en 1950. Il développe de plus en plus sa propre « Méthode Feldenkrais » de façon autonome et s’y consacre entièrement dès 1954. Il l’enseigne d’abord en Israël, mais aussi en Europe et en Amérique du Nord. Au fil des années, il forme des professeurs praticiens de sa méthode dans divers programmes de formation professionnelle, d’abord à Tel-Aviv en Israël (1969-1971), puis à San Francisco en Californie (1974-1977) et enfin à Amherst au Massachusetts (1979-1981).

 

Moshe Feldenkrais est un pionnier des découvertes contemporaines en sciences cognitives, en biologie, en médecine et en psychologie. Sa méthode est authentiquement systémique, holistique et stratégique. Le corps vivant est conçu comme un tout; les pensées, images, émotions et sensations sont incorporées, vécues et manifestées dans le corps vécu ; l’humain est abordé comme un être en développement, un système conscient autorégulé, en apprentissage constant.

 

La méthode de Moshe Feldenkrais s’appuie non seulement sur ces idées, mais elle présente une méthode rigoureuse, une pédagogie concrète de l’apprentissage de la conscience du corps en mouvement dans son environnement.

En cela elle est pertinente pour un grand nombre de domaines de l’activité humaine, ce pourquoi elle attire les professionnels d’une variété de disciplines, que ce soit la santé physique et psychologique, la formation, la performance et la création dans les arts, la pédagogie et l’entraînement sportif, ou encore la performance athlétique.

 

 

 

crédit photo © International Feldenkrais® Fédération Archive